http://www.secours-catholique.org 07/05/2015
Dans une interview réalisée le 18 avril dernier à Bangui, le président de la Caritas centrafricaine, Mgr Dieudonné Nzapalainga, porte un regard positif sur l’issue de la crise que vit son pays depuis deux ans.
Cela fait deux ans que les Centrafricains vivent des moments difficiles, deux années noires. Vous, vous parlez d’avancées positives. Quelles sont-elles ?
Les choses positives, c’est cette jeunesse qui décide de se mettre ensemble pour dire non à la violence. Ces jeunes, ces hommes et ces femmes qui circulent pour dire à leurs frères que la paix est possible. Quand je vois les jeunes de tous bords, ensemble, réfléchir et agir, il y a quelque chose de positif en marche.
Avec le révérend Nicolas Guérékoyamé-Gbangou et l’imam Oumar Kobine Layama, président de la communauté islamique centrafricaine, vous avez créé une plateforme interreligieuse. En quoi consiste-t-elle ?
Cette plateforme travaille à reconstruire la cohésion sociale en rassemblant des milliers de musulmans et de chrétiens dans le cadre de grandes manifestations de solidarité. Elle forme également des responsables religieux, des membres de la société civile, des fonctionnaires du gouvernement et des représentants des groupes armés pour qu’ils deviennent les ambassadeurs d’une coexistence pacifique. Nombre de ces dirigeants ont ensuite guidé leurs groupes d’intérêt ou leurs communautés à travers un processus similaire.
Les résultats sont-ils encourageants ?
Absolument. Je pense au final que la crise n’est pas toujours négative. Elle peut être une opportunité. Avant les événements, nous nous rencontrions avec l’imam mais nos discussions restaient théoriques, et abstraite. La crise nous a rapprochés. Nous nous sommes découverts comme des frères. Nous nous sommes mis ensemble pour parler un même langage, pour dire : nous ne voulons pas que les faits religieux soient manipulés à des fins politiques. Nous avons dit non à cette instrumentalisation.
La plateforme est une réponse pour refuser la division, pour dire « nous sommes un seul pays et sommes centrafricains avant d’être musulmans, protestants ou catholiques ». La Centrafrique est le patrimoine que nous partageons tous. Après, chacun fait son choix d’être musulman, catholique ou protestant. Nous devons respecter ce choix. C’est cela le principe de laïcité.
Quand on est dans un pays, chacun a le droit de choisir sa religion et d’être respecté dans sa pratique. C’est ce que nous voulons. La plateforme est ce socle propre à rassembler tous les enfants de ce pays. Nous avons un seul et même Dieu. Abraham est notre père dans la foi. Les musulmans disent la même chose. Et le père d’Abraham c’est Dieu. Nous nous sommes unis pour envoyer un message unique à tous nos fidèles qui nous écoutent et nous suivent.
Avez-vous des relations avec le gouvernement de transition ?
Nous sommes régulièrement consultés. La plateforme a son mot à dire. Nous demandons parfois à rencontrer la Présidente de transition pour dire ce que nous pensons, et lui avons écrit pour demander une démarche consensuelle sans quoi la plateforme n’aurait pas soutenu le travail gouvernemental en cours. Nous avons été entendus.
Vous avez invité le pape à venir en Centrafrique. Va-t-il accepter ?
Nous sommes sur la bonne voie. Le pape, lors de son voyage retour des Philippines, a dit qu’il pensait visiter les pays d’Afrique. Nous avons lancé une invitation, il a répondu et nous espérons le recevoir bientôt.
Propos recueillis par Jacques Duffaut