06/05/15 (France 24)
Une semaine après la révélation de soupçons de viols sur des enfants par des soldats français en Centrafrique, le ministère de la Défense organisait mardi 5 avril une première conférence publique sur le bilan de l’opération Sangaris.
"L’opération Sangaris est un cas à part pour l’armée française." Le général Patrick Brethous sait de quoi il parle. Commandant du Centre de planification et de Conduite des Opérations (CPCO) de l’armée, c’est lui qui fait remonter au président de la République les informations concernant les forces françaises engagées en Centrafrique au sein de l'opération Sangaris.
Le général était le premier, mardi 5 mai, à s’exprimer dans le cadre d'un cycle de quatre conférences ouvertes au grand public, entre mai et juin à l’École militaire de Paris, sur l’intervention de l’armée française dans ce pays en proie à une guerre civile depuis fin 2013. Un an et demi après son déclenchement, le chef d’état-major fait le pari d'expliquer aux civils l’opération Sangaris, comme il l’avait fait pour Serval au Mali.
"Les objectifs initiaux ont été atteints en Centrafrique"
"L’opération Sangaris avait été bien préparée en amont", affirme le général Brethous expliquant, schéma à l’appui, que l’état-major suivait le théâtre centrafricain depuis 2012. Le militaire aborde méticuleusement toutes les phases décidées à Paris : les 1 200 hommes envoyés dès décembre 2013 à Bangui, ses échanges permanents avec le général Soriano, commandant sur place de la force Sangaris et l’élargissement "non prévu" du dispositif à 2 000 hommes pour sécuriser la partie est du pays. Une façon de rendre des comptes pour une opération jugée par certains onéreuse (250 millions d’euros).
Mais pour le général Brethous, peu importe. "Sangaris atteint ses objectifs initiaux tout en s’adaptant aux contraintes", affirme t-il. La Centrafrique a retrouvé une certaine stabilité, ce qui permet de relancer les initiatives politiques, telles que le Forum de Bangui, le 4 avril dernier, mais aussi de programmer le retrait progressif d’environ 1 000 soldats français d’ici là fin de l’année. Ils laisseront place à la Minusca, la force de maintien de la paix placée sous l'égide de l’ONU.
L’après-rapport sur les soupçons de viols sur mineurs
Hasard du calendrier, la conférence, fixée de longue date, tombait quelques jours après la révélation de présumés abus sexuels sur des mineurs centrafricains commis par des soldats français début 2014, au tout début de l’opération Sangaris. La question, abordée par un spectateur, jette un froid. "Je n’ai pas envie de parler de ça aujourd’hui, tout a déjà été dit [par le porte-parole de l’armée la semaine dernière, NDLR] et ces allégations n’ont pas été confirmées", explique le général Bréthous. "Cela a-t-il un impact sur la gestion des troupes encore déployées à Bangui ?" demande un autre spectateur.
Là encore, pas de réponse. L’armée ne souhaite se prononcer ni sur les faits, ni sur les conséquences. Ce serait déjà concéder que ces derniers ont eu lieu.
Ce que le général veut bien admettre, c’est que les médias ont provoqué un changement dans le mode de communication du centre du CPCO. "Nous sommes obligés de prendre en compte ‘la dictature’ des bandeaux télévisés et de rendre des comptes en temps réels aux dirigeants politiques avant qu’ils ne l’apprennent par les journalistes", explique t-il. Un casse-tête permanent pour celui qui gère cinq opérations à l’échelle internationale.
"Il faut être fier de notre armée"
La rencontre est aussi l’occasion pour le militaire de rappeler que "la France a une aura légitime militairement", en citant, outre la présence française en Centrafrique (toujours 1 700 hommes), celle au Sahel (3 500) ou en Afghanistan-Tadjikistan (200). "Il faut être fier de notre armée qui a la caractéristique de pouvoir rapidement s’engager sur plusieurs théâtres", constate t-il.
La rhétorique sonne comme une demande d’appui du grand public à l'armée, alors que le budget des opérations extérieures françaises a explosé avec un surcoût d’un milliard d’euros en 2014. François Hollande a, en outre, tranché la semaine dernière pour un effort financier, contre l’avis de Bercy. Une première après plusieurs années de baisse du budget de l’armée française, qui devrait permettre, selon le ministère de la Défense, de sauvegarder 18 500 postes.
S’il rappelle que cinq soldats français ont trouvé la mort en Centrafrique, et plusieurs dizaines d'autres ont été blessés, le général Brethous conclut que "Sangaris et l’armée française ont été une chance pour la Centrafrique". L’inverse est probablement aussi vrai.