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23 décembre 2014 2 23 /12 /décembre /2014 21:40

 

 

 

                                                                  ELUCUBRATIONS N°1

 

                De l’Ecole

 

   Plus de cinquante ans après l’indépendance, nous devons cesser de nous voiler la face et faire ce constat aussi réaliste que consternant : nous avons échoué à développer notre pays, la République Centrafricaine . Et à partir de ce constat désolant, repenser le développement . Mais qu’est-ce que le développement pour un pays comme le nôtre ? A qui doit-il profiter prioritairement ?

 

Développer un pays, est-ce construire des gratte-ciel dans la capitale Bangui ? Bâtir une université pour la forme ? Envoyer des délégations nombreuses et ruineuses à tous les sommets internationaux ? Etre vu à Paris, à New York, à Londres, à Bruxelles ou à Dubaï ? Ecumer toutes les places  financières  du globe ? Pour quels résultats ?

 

    Le développement que nous appelons de nos vœux doit être d’abord local, régional avant de s’intégrer dans un ensemble national . Il doit être multidirectionnel et commencer  à l’école . Non pas l’école héritée des colons qui n’avait qu’un seul objectif : former des cadres auxiliaires pour seconder l’administration ; mais une école nationale avec des règles, un fonctionnement , une occupation de l’espace et du temps différente, une approche pédagogique révolutionnaire incorporant l’enseignement de l’agriculture et l’enseignement des langues locales, la chasse et la pêche aux mathématiques, l’apprentissage de tous les métiers utiles pour améliorer l’environnement paysan et rapporter aux producteurs de quoi vivre .

 

    Le paysan centrafricain, quelle que soit son occupation originelle doit pouvoir vivre de sa production avant tout, et si cela n’est pas le cas, il faut lui donner la possibilité de compléter ses revenus par une production supplémentaire susceptible de l’ancrer dans son village, sa localité et/ou dans sa région .

 

L’école de nos vœux doit être aux antipodes  de ce qui a été pratiqué jusqu’aujourd’hui  , elle sera ouverte à tous : jeunes et vieux, hommes et femmes, valides et handicapés, lettrés et illettrés, sourds et muets …Le principe directeur est que tout le monde peut apprendre de tout le monde  et partout . Le cordonnier, le charpentier, le vannier, le potier sont plus qualifiés pour transmettre leur art dans leurs langues et s’il arrive que certains manquent de pédagogie, les apprenants n’auront qu’à les regarder faire dans leurs ateliers . Le chasseur et le pêcheur travailleront in situ : ils transporteront leurs élèves sur les lieux de leurs pratiques.

 

    L’éleveur, le commerçant, le musicien traditionnel et le « sorcier » du village y seront les bienvenus de même que les matrones, les tisseuses, les fileuses pour réhabiliter tout ce qui faisait le tissu social du village . Le réparateur de vélo, le mécanicien de motocyclette ou de l’automobile, le boulanger, le pâtissier et le menuisier professeront dans la nouvelle école. On doit y préparer des plats traditionnels oubliés ou délaissés par les jeunes générations. La liste des professions d’une école nationale ouverte sur le pays avant de l’être sur l’Afrique et le reste du monde ne saurait être exhaustive car c’est une école ambitieuse qui veut attirer tous les talents . C’est une école de la vie . Nous ne voyons aucune raison d’écarter une femme ou un homme capable d’apporter quelque chose, aussi minime soit-il,  sous prétexte de l’âge, du sexe ou d’un quelconque handicap .

 

    Nous voulons changer de paradigme scolaire pour faire place à une nouvelle synergie salvatrice dans l’intérêt du petit peuple .  C’est à ce prix et à ce prix seulement que ce petit peuple ainsi intégré dans un processus qui lui échappait  totalement  jusque-là , acceptera de jouer le jeu du développement en fournissant une main-d’œuvre locale consciente  de creuser des fondations solides, d’élever des murs, de monter des charpentes, de couvrir les toits de nos écoles, de nos maisons, de construire des ponts, de produire non plus pour son autosuffisance mais en dégageant un surplus pour vendre et s’offrir enfin des habits décents, des soins médicaux corrects, une paire de bœufs plus une charrue et pourquoi pas un tracteur demain ?

 

Ce travail sera chaotique au départ, long, onéreux, mal compris par certains de mes compatriotes, peut-être même durement combattu et rejeté. Je n’ai qu’une seule réponse à faire : après plus de cinquante ans de cafouillages, de suivisme, de tâtonnements foireux et finalement d’échec de l’école héritée des colons, il est légitime de poser la question et d’envisager d’autres  alternatives. Je ne prétends pas avoir l’exclusivité des réponses à une question cruciale qui interpelle tous les Centrafricains et les amis sincères de la RCA. Chaque apport comptera et chaque pierre sera la bienvenue à l’édification de cette école nationale. C’est un travail de longue haleine  et personne ne sera de trop .

 

    Après les ateliers pratiques, les élèves de notre nouvelle école auront droit à l’enseignement des autres matières classiques comme les mathématiques, les sciences, l’histoire, la géographie…à une seule condition : rendre ces cours plus proches des participants en parlant des faits locaux qui les impliquent.   Quelques exemples parmi d’autres au passage : au lieu de faire des cours théoriques et barbants aux élèves en classes, les emmener sur un champ de manioc ou une plantation de café pour leur  faire mesurer, comparer, calculer  . Un are ou un hectare de terrain mesuré, arpenté, disséqué par tous sera plus édifiant qu’un cours théorique avec des élèves  assis, donc passifs . Tout cours destiné à ces élèves d’un autre genre doit s’efforcer d’être le plus concret possible pour une utilisation immédiate dans leur vie quotidienne.

 

 Les élèves ne sauront que ce qu’ils auront découvert, vu et appris par leurs propres moyens  . L’école nouvelle doit susciter en permanence la curiosité des élèves en leur donnant le plus  souvent la parole  . Le maître ne doit plus être ce deus ex machina sans lequel, rien ne peut se faire  .

 

En histoire, à quoi cela sert-il de rabâcher  à nos élèves du fin fond de la RCA les péripéties de la première et de la seconde guerre mondiale sans leur parler de la participation de leurs grands parents  génériquement  appelés « tirailleurs sénégalais » ? La collaboration d’un ancien combattant survivant local serait plus indiquée et intéressante que l’enseignement mécanique du plus diplômé des  historiens  . Etudier le réseau hydrographique de telle ou telle région de la RCA tout en faisant l’inventaire de la faune et de la flore pendant un bref séjour aurait l’avantage de combiner la géographie et la science de la vie et de la terre (SVT)  .  A quoi  cela sert-il à  un Centrafricain de savoir  les noms des cours d’eau sibériens ou  américains  , de les situer sur une carte alors qu’il est incapable d’en faire autant pour son propre pays ? A mépriser ses propres cours d’eau, sources de vie sur la terre de ses  ancêtres .

 

L’apprentissage de l’anglais, du russe ou de l’espagnol serait plus pertinent associé à l’étude des langues locales centrafricaines pour une meilleure  compréhension . On n’apprendra plus pour avoir des points  et réussir seulement un examen scolaire . On apprendra des connaissances pratiques . En un mot comme en cent, on ne bachotera plus bêtement par cœur les réalités allogènes . Celles du terrain seront priorisées . La future école centrafricaine sera une école de la libération comme il existe par ailleurs des théologies de la libération . Sinon, il sera parfaitement  inutile d’y envoyer nos enfants .

 

    Le maître-mot de cette école qui se veut révolutionnaire restera la pluridisciplinarité pour un meilleur épanouissement des  apprenants . L’échec sera combattu en donnant la chance à chacun des élèves de briller dans au moins une des matières  enseignées . Ainsi  pourrons -nous espérer relever l’énorme défi auquel fait face le Centrafrique .

 

    La suite au prochain numéro .

 

                                                      David KOULAYOM-MASSEYO    

Tribune libre - Elucubration n° 1 : De l’Ecole par David KOULAYOM MASSEYO
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