AU SECOURS DES IDEES
Nommé le 10 août, premier ministre, Mahamat Kamoun a annoncé, vendredi 22 août, la formation d’un nouveau gouvernement de large ouverture, comptant 31 ministres contre une vingtaine, dans le précédent, conduit par André Nzapayéké. La nouvelle équipe intègre, à peu près, tous les profils de la scène politique centrafricaine actuelle : société civile, partis politiques, groupes armés, chrétiens, musulmans, animistes.
Douze membres du gouvernement sortant, ont retrouvé une place dans le nouveau cabinet. Les ministres des Affaires étrangères, des Postes, de l’Economie, de la Fonction publique, de l’Education, du Commerce, et de la Santé, restent inchangés.
Cinq membres de l’ancienne équipe se voient attribuer de nouveaux portefeuilles, à l’instar d’Aristide Sokambi, issu de la société civile et ancien titulaire de l’Administration du territoire, qui devient nouveau ministre de la Défense.
Dix-neuf nouvelles personnalités font leur entrée au gouvernement, dont le général de gendarmerie, Thierry-Marie Métinkoué, nouveau ministre à la Sécurité.
Les rebelles de l’ex-coalition Séléka obtiennent trois portefeuilles, avec l’Elevage (Mahamat Tahib Yacoub), les Transports (Arnaud Djoubaye Abazène) et les Postes et Télécommunications (Abdallah Kadre Hassane). Ils sont entrés au gouvernement après un accord du président de Séléka, l’ancien président de la transition, Michel Djotodia.
Armel Ningatoloum Sayo, un commandant du mouvement Révolution et Justice (rébellion armée active dans le Nord-Ouest), a, quant à lui, été nommé ministre de la Jeunesse et des Sports.
Des voix se sont élevées, et non des moindres, pour contester, non seulement, la nomination de Mahamat Kamoun, au poste de premier ministre, mais aussi, celle de l’ensemble de son gouvernement. Il en est, par exemple, du deuxième vice-président de l’ex-Séléka, le général Dhaffane, qui « se donne le droit de reconsidérer les engagements pris au Forum de Brazzaville », organisé du 21 au 23 juillet, sous l’égide du président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, médiateur de la crise centrafricaine.
Une partie de la société civile représentée par Joseph Bindoumi, président de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme, fait savoir, de son côté, que « des personnalités se réclamant de la société civile (et faisant partie du gouvernement) n’ont pas été choisies par la société civile ». Il en est de même de l’ancienne majorité du président, François Bozizé, renversé, en mars 2013, par l’ex-Séléka : « Nous n’avons rien contre Mahamat Kamoun, mais il fut directeur de cabinet de l’ancien président Michel Dotodia (qui avait renversé François Bozizé le 24 mars 2013) qui a laissé un passé plein de mauvais souvenirs au peuple », a déclaré Mohamed Bengué Bossin, porte-parole de la coalition GPP-RTL qui regroupe l’ancienne majorité du président François Bozizé.
Bref, il y a beaucoup de mécontents. Y compris l’AFDT (Alliance des forces démocratiques pour la transition) qui demande le retrait de sa représentante, du gouvernement. La coupe est pleine.
La présidente de transition, Catherine Samba-Panza pouvait-elle satisfaire tout le monde ? Quand on voit l’état de délabrement du pays et la hargne que mettent les groupes armés ou non à le détruire, malgré l’implication des forces politiques et militaires internationales, on donne raison à la présidente, qui s’est donné du temps, trois semaines, pour consulter, avant de désigner de façon « discrétionnaire » son premier ministre, et sortir l’équipe gouvernementale.
Pour diriger le Centrafrique, de nos jours, il faudrait une sacrée dose de caractère. Catherine Samba-Panza n’est peut-être pas (encore) une professionnelle de la politique, mais elle peut être considérée comme une « dame de fer ». Seule devant l’histoire, elle a fait son choix en toute responsabilité, et l’assume devant ses compatriotes : « Il faut donner l’occasion au nouveau premier ministre de faire ses preuves », au lieu de continuer à chercher à « déstabiliser la transition ».
Face à trop d’intérêts en jeu, dans ce pays tiraillé de tous les côtés, Catherine Samba-Panza vient de dicter son choix, qu’elle estime conforme aux (seuls) intérêts de son pays, actuellement, en lambeaux. C’est une litote. Exit le candidat du médiateur. Celui du président en exercice de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale) n’a qu’à se préparer pour la prochaine élection présidentielle, tout comme celui de la France, qu’on disait avoir un très bon profil. C’est à Madame Panza de désigner un premier ministre. Point final. Ce pouvoir lui a été donné en janvier, à N’Djamena, par les chefs d’Etat de la sous-région. Ne revenons pas là-dessus. Donnons-lui, plutôt, les moyens d’abréger cette transition qui n’a que trop duré.
Ce sera, donc, Kamoun jusqu’à l’élection présidentielle de février 2015.
Sans tarder, il faut se (re)mettre au travail car le temps presse, tout en ayant à l’esprit, que la communauté internationale fait, déjà, beaucoup pour aider le pays, mais qu’elle ne sera pas, éternellement, derrière lui si ses fils et filles continuent de refuser de prendre son destin en main.
AFRIQUEDUCATION n° 398 - Du 1er au 15 septembre 2014 - www.afriqueeducation.com