On a toujours dirigé la RCA de l'extérieur. En politique comme en économie, on lui a régulièrement imposé des solutions en lui disant ce qu'elle devrait faire car on s'est cru supérieur ou mieux outillé que ses fils et filles. Si tout cela s'est produit, la responsabilité première incombe ni aux Talimbi, Likoundou, Belzebut ou au Manioc mais au Centrafricain. Il serait salutaire qu'un jour les vrais auteurs de ce chaos répondent de leurs actes pour les vivants ou que les descendants et Doungourous de ceux qui ne sont plus des nôtres, connaissent le périmètre réel de l’héritage dont ils sont dépositaires car depuis 1958, nous en avons assez de payer l'impôt du sang.
Lorsque le meilleur investissement dans un pays se réduit à la création d'un parti politique ou une rébellion, l'on ne peut être surpris d'assister à ce qui s'est passé le week-end dernier à Malabo car dans une situation dynamique négative, l'urgence est d'en maîtriser les paramètres pour la juguler. Or sur impulsion des actuels dirigeants de la Transition, l'unique message qui est adressé est le suivant : « Criminels de tous les pays, immigrez en RCA. Une fois ici, TUEZ, PILLEZ, VIOLEZ sans pitié, une prime au crime vous sera accordée. Vous serez convié dans tous les palais de la République et au gouvernement ou dans l'armée. Vous serez amnistiés et à l'ombre des manguiers, vous prospérerez. » Ainsi donc 85% de ceux qui seront à Brazzaville étaient déjà là en 2003 et 2008 lors des dialogues sous Bozizé...vous avez dit casting ? Qu'il me soit permis de douter que Brazzaville 2014 résoudra la crise centrafricaine. En effet, ce que demande la CEEAC c'est à dire un gouvernement [INCLUSIF] où les Musulmans du Nord(1) seraient représentés et une table ronde entre les différents acteurs de la crise est bien en deçà de ce qu'exigent les Nations-Unies à savoir le désarmement obligatoire et au besoin par la force de tous les détenteurs illégaux d'armes.
Aucun dialogue ou gouvernement d'union nationale ne mettra fin à la circulation des armes et aux atteintes des droits de l'homme. Seule la reconstruction de l’État en général et dans un premier temps des outils sécuritaires(2): Police, Gendarmerie et Renseignements peut mettre un terme à l'anarchie, au règne de la Machette et de la Kalachnikov.
Le travail de réconciliation et de pardon dont certains pensent en détenir le brevet n'aura de sens que si et seulement si ceux qui sont à l'origine du drame sont mis hors d'état de nuire. On ne peut pas pardonner sans confession, sans condamnation et réparation. Au nom de quoi fera-t-on asseoir sur la même table des citoyens qui n'ont jamais pris les armes, versé du sang ou commis des crimes économiques avec ceux aux casiers judiciaires desquels ces crimes sont à notifier ? Au nom de quoi la victime et son bourreau doivent-ils obligatoirement se réunir et parler alors que la place de l'UN est dans le box des accusés et l'autre sur le banc de la partie civile ?
Toutes les religions monothéistes du monde enseignent que le 1er acte de la rédemption est la demande de pardon/confession. Or chez nous, les Criminels sont ceux qui font la loi. Mieux encore, ils sont exigeants, revendiquent des postes et le partage de la dépouille de ce pays fictif devenu un État néant que fut le Centrafrique.
De l'enfer, nous avons touché le fond. Dans l'euphorie du départ de Djotodia et de Tiangaye, nous avons omis de fixer des limites à Mme Samba Panza dans le choix de l’exécutif et le programme d'urgence. Une fois au Palais de la Renaissance, elle a cru qu'elle était un vrai Chef d’État, le pire pour la RCA redoubla de gravité à partir de ce moment-là.
La photo a fait le tour du web ce week-end. Certains médias comme RFI et France 24 n'y sont pas allés de main morte. Mme Samba Panza, Chef de l’État de la Transition en RCA, assise dans un fauteuil au bout d'un couloir. Tel un enfant que les parents éloignent pour prendre une décision ou un élève congédié par les professeurs après son oral. Cette image a réveillé le patriotisme de certains Centrafricains dénonçant l'humiliation de la RCA. Comme d'habitude, le diable se trouve dans les détails.
Communiqué final du sommet de la CEEAC de Malabo sur la crise centrafricaine, dernier paragraphe : « Ils[Chefs d’État] ont demandé au Secrétariat général des Nations Unies, la Commission de l’Union Africaine et le Secrétariat général de la CEEAC à mettre en place urgemment, avec l’appui de facilitateurs, une médiation internationale sous la conduite du Président Médiateur de la CEEAC, Son Excellence Monsieur Denis SASSOU N’GUESSO, afin d’aider les Centrafricains à reprendre, en terrain neutre, le chemin du dialogue en vue de se doter d’un nouveau cadre politique de gestion consensuelle de la transition et de sortie de crise. Ils ont exprimé le vœu de voir l’ensemble des acteurs de la crise faire partie de la solution et contribuer à la réussite de la transition, et ce, sans préjudice de la présentation de leur candidature aux prochaines échéances électorales. »
NON, ce n'est pas la RCA qui fut humiliée à Malabo, c'est Mme Samba Panza qui le fut. C'était le prix à payer pour elle afin de rentrer définitivement dans le syndicat des Chefs d'état d'Afrique Centrale (3). Elle le paya avec le sourire et dans son humiliation, entraîna tout un pays qui était déjà par terre et qui se serait bien offert l'économie de cette goujaterie. En sacrifiant la renaissance du pays au profit de son envie rester au palais de la renaissance, Mme Samba Panza qui nous réchauffe le Bozizé de 2003, vient de lancer le signal d'alarme pour que dure la crise.
Nous deviendrons tous des rebelles pour être entendu. Nous quitterons nos partis politiques, nous rendrons nos cartes de militant. Nous entrerons en brousse, l'un pour défendre son village, l'autre pour sa profession... Il y aura mille et une rebellions puisque c'est l'unique chemin pour être pris au sérieux.
NON, ce n'est pas la RCA qui fut humiliée à Malabo, c'est Mme Samba Panza qui a souillé la République, la Charte Constitutionnelle de Transition et insulté la souffrance des fils et filles de Centrafrique. J'ai voulu le dire, J'AI VOULU L'ECRIRE POUR L'AVENIR.
Clément DE BOUTET-M'BAMBA
1: Que fait-on des musulmans des autres régions de Centrafrique ? Comme par hasard, ceux qui sont désignés comme étant les musulmans à intégrer ne sont originaires que de deux préfectures et de deux groupes ethniques. Que faire des musulmans des quatorze autres préfectures et des autres groupes ethniques ?
2 : j'ai volontairement mis de côté les FACA dans cette phase d'urgence car le débat sur le réarmement est un faux débat. La RCA étant de fait placée sous tutelle sécuritaire internationale, c'est d'abord les opérations de maintien de l'ordre qu'il faut privilégier. Or elles reviennent à la Police et à la Gendarmerie. Ce qui reste de cette armée défaite par les Seleka entre décembre 2012 et mars 2013 est à intégrer au sein des unités des Minusca qui se déploieront à partir de septembre d'où ils apprendront à nouveau le métier des armes. C'est une nouvelle armée sur les ruines de l'ancienne dont aura besoin la nouvelle RCA.
3: De toutes les transitions connues en Afrique ces cinq dernières années, ceux qui en avaient la gestion ne se sont portés candidats aux élections : Niger (Saleh Djibo), Guinée Conakry (Dadis et Sekouba), Mali (Diancounda Traoré), Madagascar (Rajoelina), Egypte (Adli Mansour). Pourquoi ce qui est valable ailleurs ne le serait-il pas pour l'Afrique Centrale en général et la RCA en particulier ? Mme Samba Panza n'était pas candidate mais ses pagnes nous abreuvaient déjà. Maintenant qu'elle a reçu son initiation au syndicat, ce sera sur des tubercules de manioc que son image sera sculptée. La transition n'aura qu'un seul objectif : la faire élire et le nécessaire travail pour la renaissance de la RCA sera jeté aux oubliettes.