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27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 14:04

 

 

 

 

 

 

IDÉES   ANALYSES DE LA RÉDACTION

 

 

Par Jacques Hubert-Rodier Editorialiste de politique internationale aux « Echos »

 

http://www.lesechos.fr/    Par Jacques Hubert-Rodier | 27/01 | 06:00

 

Depuis la fin de la guerre froide, la quasi-totalité des interventions militaires des grandes puissances a abouti à un changement de régime sans parvenir toujours à stabiliser la situation.

 

« Mission accomplie. » Mai 2003 : depuis le porte-avions « USS Abraham Lincoln », George W. Bush proclame la victoire de l'Amérique sur le régime de Saddam Hussein. En 2008, le même président républicain affirme que l'Amérique ne peut pas se permettre une défaite en Afghanistan. En septembre 2011, Nicolas Sarkozy et David Cameron, eux, célèbrent leur succès en Libye. Le 14 janvier 2014, enfin, au palais de l'Elysée, c'est au tour de François Hollande de saluer « la victoire contre le terrorisme, pour la démocratie, pour le développement » au Mali, un an après le déclenchement de l'opération Serval. Quant à la Centrafrique, le président français reconnaît sobrement que « le travail n'est pas terminé » un mois après le déploiement des troupes françaises.

 

Certes, aucune opération n'a les mêmes objectifs ni les mêmes conditions. Mais, depuis le début du XXIe siècle, deux grands buts de guerre affichés par les grandes puissances dominent : celui de la lutte contre le terrorisme, comme en Afghanistan ou au Mali, et celui de la protection des populations civiles, comme en Libye ou en Centrafrique. L'objectif annoncé pour déclencher la guerre d'Irak était, lui, d'une nature différente : il s'agissait d'éradiquer des armes de destruction massive, inexistantes… L'Irak en 2003, pour une Amérique au sommet de sa puissance, devait être le laboratoire de la démocratisation au Proche et au Moyen-Orient et d'une transformation du monde selon l'inquiétante vision des néoconservateurs.

 

Mais, quel qu'en soit le prétexte, toutes les interventions de l'après-guerre froide, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Centrafrique voire en Côte d'Ivoire et au Mali, ont abouti à un résultat plus ou moins similaire : le renversement du leader en place et le changement du régime. Avec cette inquiétante interrogation : ces interventions peuvent-elles, au-delà de la tenue d'élections, conduire à des transitions politiques permettant, au moins, la stabilisation de la situation et, au mieux, l'institution d'un Etat de droit y compris pour le respect des droits de l'homme ?

 

On en est loin. Deux ans après le retrait des troupes américaines en décembre 2011, l'Irak est enfoncé dans une crise politique et connaît une recrudescence du conflit entre chiites et sunnites avec une présence importante de groupes liés à la nébuleuse Al Qaida. Indirectement, ce conflit a des conséquences en Syrie par des infiltrations dans la rébellion syrienne de combattants de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). En Afghanistan, il n'aura fallu que quelques semaines en 2001 aux Américains et à leurs alliés, appuyés sur le terrain par le regroupement des forces d'oppositions afghanes, pour renverser le régime taliban à Kaboul puis installer Hamid Karzaï à la présidence. Pourtant, l'Afghanistan, quelques mois avant le retrait des troupes américaines et alliées, et une nouvelle élection présidentielle prévue pour avril, sombre aujourd'hui de nouveau dans le chaos. Non seulement les talibans poursuivent leurs attaques contre les forces gouvernementales, mais Al Qaida est en pleine renaissance.

 

La France semble avoir mieux réussi - jusqu'à présent - en Afrique subsaharienne. En partie parce que, à la différence des Etats-Unis, Paris dispose d'une expérience coloniale qui lui permet de revenir en terrain connu dans le costume de « gendarme malgré lui ».

 

Autre différence avec l'Irak : les trois dernières interventions de la France en Afrique subsaharienne se sont déroulées avec un mandat des Nations unies et l'appui de l'Union africaine et, comme au Mali et en Centrafrique, avec le soutien de troupes africaines, notamment tchadiennes.

 

La Françafrique est morte. Mais la France conserve son influence en Afrique, comme le soulignait le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, et des liens historiques et culturels. De plus, la France a maintenu des forces prépositionnées.

 

Aujourd'hui, elle doit néanmoins réexaminer l'ensemble de son dispositif sécuritaire au Sahel. Car la victoire, même au Mali, pourrait être de courte durée. Les bases des combattants liés à Al Qaida au nord du pays ont bien été détruites, mais nombre d'entre eux se sont dispersés ou maintiennent encore une présence, comme à Kidal. Faute de stabilisation et loin des cris de victoire, la Libye reste également un foyer de départ et de repli de ces combattants. Pour le président malien, Ibrahim Boubakar Keïta, élu en septembre 2013 à la tête d'un Etat affaibli et d'une nation toujours divisée qui peine à régler les tensions avec les Touareg, les défis sont immenses. Sans oublier que les troupes françaises et désormais onusiennes peinent aujourd'hui à consolider leurs progrès en matière de sécurité, comme le soulignait récemment l'International Crisis Group. Et la tâche, pour Catherine Samba-Panza, l'ancienne maire de Bangui élue cette semaine présidente de Centrafrique, est dantesque. Ce qui risque d'obliger les troupes françaises à rester plus longtemps qu'annoncé, comme elles l'ont fait au Mali. A moins que les pays africains arrivent à prendre le relais pour sécuriser ces pays. Mais, comme au Moyen-Orient ou en Asie centrale, la stabilisation post-intervention n'est pas un chemin certain.

 

Jacques Hubert-Rodier

Lu pour vous :  Irak, Mali, Centrafrique : le jeu dangereux des interventions
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