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13 janvier 2014 1 13 /01 /janvier /2014 19:53

 

 

 

 

 

http://www.camer.be

 

Expert des questions internationales, cet universitaire chevronné, donne des grilles de compréhension sur la démission de Michel Djotodia et lève un coin de voile sur le rôle joué par la France, le Cameroun et les autres pays de la sous-région.

 

Dites-nous professeur, comment analysez-vous la démission de Michel Djotodia, le président de la transition centrafricaine et de son premier ministre Nicolas Tiangai?


Vous voulez parler de la façon dont les deux ont été remerciés et forcés de vider les lieux ou de ce qui adviendra après eux? Dans les deux cas, il est important de préciser que c'est la France et elle seule, qui est à la manœuvre à Bangui et d'ailleurs dans l'ensemble de la sous-région dorénavant. Nous sommes revenus exactement à la situation qui prévalait aux premières heures des indépendances formelles, pour ne pas dire factices.

 

Faut-il comprendre selon vous, que tout est arrangé par la France?


Mais bien évidemment, et il n'y a aucun mal ni aucun doute à cela, eu égard à la fragilité des régimes de la sous-région, et à leur état de gouvernance télécommandé de même que leur absence presque totale de légitimité. Lorsque l'on ne peut pas jurer par son peuple pour tenir son pouvoir de son peuple, on devient prisonnier voire marionnette et esclave des maîtres extérieurs. Appelez cela colonialisme, néocolonialisme ou impérialisme, et dans tous les cas, vous avez raison.

 

Qu'est-ce qui vous rassure tant dans cette affirmation ou du moins cette présentation des choses. On a bien vu que ce sont les Centrafricains eux-mêmes qui ont voté la déchéance des deux dirigeants non?


Voilà où la blague atteint des sommets d'ignominie attentatoire à la dignité, à l'honneur et à la santé mentale pas seulement du peuple centrafricain, mais des peuples africains en général. Je dois d'abord vous dire que Idriss Déby n'est autre chose que le sous-gendarme trouvé par la France ces dernières années, et que ses actions dans l'ensemble, correspondent aux objectifs géopolitiques élaborés par l'Elysée. Ce qui s'est passé à Ndjamena est pitoyable et représente une grossière violation de la souveraineté populaire de la Centrafrique. IL faut bien distinguer entre la notion de souveraineté de l'Etat en tant qu'institution, et la souveraineté populaire en tant que socle d'expression de la personnalité d'une nation, d'une entité territoriale portant des emblèmes sacrés de représentation. On a tout simplement pris en otage des représentants du peuple centrafricain et leur imposé une démarche, un résultat, voulu par le colonisateur impérial, le même qu'hier, et malheureusement le même qu'aujourd'hui.

 

Comment dans ce cas expliquez-vous la passivité ou la collaboration servile des Etats de la Cemac?


De quels Etats parlez-vous encore? Existe-il un seul parmi eux qui jouit encore de la moindre indépendance, de la moindre crédibilité, de la moindre respectabilité? Nous sommes en présence d'un amoncellement de dictatures qui ont perdu toute légitimité et toute liberté d'action au plan national, sous-régional, régional et international. Je vous rappelle que les gens ne se cachent même plus pour montrer à quel point ils dominent le continent et nous traitent en esclaves, à cause de la qualité de nos dirigeants. La réunion, plutôt la mascarade de Ndjamena s'est tenue après une tournée dans les capitales par le ministre français de la Défense venu donner des ordres à ses obligés. C'est tellement humiliant et honteux que j'ai de la peine à en parler.

 

Et le Cameroun dans tout cela, comment expliquez-vous sa position?


La réalité c'est que le Cameroun n'a aucune position, et jouerait même au contraire le jeu de l'épouse dans un mariage polygame qui fait tout pour apparaître tantôt comme la plus belle femme, tantôt comme la plus servile, et tantôt comme la confidente disposée à tout donner, à tout sacrifier de sa dignité et de ses bijoux, mais dans une logique solitaire et particulière. Yaoundé est prête à tout livrer à la France jusqu'à son âme, mais en se montrant par ailleurs insolente, condescendante et distante à l'égard des autres capitales de la sous-région.

 

Quelles sont selon vous les conséquences d'une telle attitude?


C'est effroyable, désolant et porteur à terme de perte totale d'influence. Les positions diplomatiques que nous perdons aujourd'hui seront très difficiles à reconquérir. Il ne suffit pas de se montrer disposé à payer tout le temps des milliards pour les otages français, alors que des éleveurs camerounais sont enlevés tous les jours et personne ne dit rien. Cette politique est très critiquée et ouvrira bientôt un lourd contentieux avec le Nigeria voisin. Nous jouons avec le feu et les lendemains sont chargés de dangers multiples. Par ailleurs, l'image du pays où on glorifie le Blanc en négligeant le Noir est en passe de nous coller à la peau, parce qu’avec consistance, notre président est présent à tous les sommets qui ont lieu en Europe, mais jamais à ceux qui se tiennent en Afrique, quelle qu’en soit l'importance. Voyagez un peu partout en Afrique et vous entendez les commentaires, vous avez honte d'être Camerounais.

 

Concrètement, croyez-vous comme disent certains, que la France tire le Cameroun pas le nez dorénavant?


Mais pourquoi voulez-vous que des constats ne soient pas faits sur la base du comportement de nos dirigeants? Les deux voyages de Fabius à Yaoundé pour repartir avec les otages libérés ont pris l'allure de balade d'un grand patron dans sa ferme privée. Cela, vous ne pouvez pas le contester. Plus grave, la base installée par les Français à Ngaoundéré participe d'un plan de positionnement stratégique plus large avec des projections de long terme cachés qui échappent à la perception immédiate. La France à des plans contingents pour le Cameroun, mais alors lesquels? Nous avons là la preuve de l'Etat de république bananière qui nous colle au dos.

 

Professeur, vous nous descendez complètement avec ce qualificatif de République bananière.


Mais non, pas du tout. Il faut être réaliste. Dans quel pays au monde, respectable, crédible, démocratique et tant soit peu respectueux des sentiments de ses citoyens et citoyennes, peut-on implanter ainsi une base militaire sans passer par un débat devant les instances parlementaires? C'est tout simplement terrible, et ceux qui trouvaient dans ce machin de Sénat un renforcement ou une avancée de la démocratie devraient comprendre une fois pour toute que nous n'avons ni dignité ni démocratie ni représentation populaire. Nous ne sommes rien du tout, parce que tout peut se faire, se décider, se tramer dans le pays sans la consultation directe ou indirecte de la population. C'est le sommet de l'infantilisation du citoyen et de la perdition du destin collectif. Nous sommes dans une dictature et il faut se résoudre à accepter la vérité, sans chercher à l'habiller par des faux semblants.

 

Comment expliquez-vous donc cette nouvelle montée du colonialisme français, en dépit des déclarations sur la mort de la Françafrique ?

Vous êtes libres de rêver de la mort de la Françafrique. Elle ne s'est jamais aussi bien portée et manifestée depuis trente ans. Hollande fait le corrigé de Sarkozy et reste dans une logique de la politique étrangère de la France qui considère l'Afrique comme une contrée de singes et d'attardés qui ne méritent finalement aucune considération. Vous avez bien noté que c'est de Paris qu'on nous annonça les dates des échéances électorales au Mali. La Centrafrique n'est pas une répétition, c'est une normalité, tout comme le sera le Cameroun bientôt.

 

Que voulez-vous insinuer ? Soyez plus clair.


Voyons ! dans un pays en pleine transition, on vous implante une base militaire, qui curieusement, fait le tampon entre le nord et le sud du pays, et vous persistez à ne pas comprendre ce qui se trame. Qui vivra verra. La facilité de la régularité avec laquelle les prises d'otage ont lieu, ajoutées à la disponibilité des rançons, sont révélatrices de trop d'agendas dont la programmation n'est pas gratuite. Personnellement en analyste érudit, j'y vois une étroite relation de cause à effet, c'est à dire entre les évolutions géopolitiques et l'animation des groupuscules officiellement dits terroristes. Il n'est pas exclu que prochainement ces supposés seigneurs de guerre asymétrique viennent chercher leurs proies (otages) plus en profondeur ou plus au cœur, à Yaoundé ou à Douala. Je fais certes confiance à nos diverses forces de sécurité et de défense, mais l'absence de coordination, le sous-équipement, le tribalisme et pire l'indiscipline, les fragilisent cruellement.

 

Que dites-vous enfin de la proposition de placer la Centrafrique sous la tutelle de l'Onu?


C'est une grossière hérésie et une vue trop facile qui ne cadre aucunement avec l'évolution de la gestion des crises. Ceux qui émettent ce genre de propositions font tout simplement preuve soit d'incompétence, soit de complicité avec des forces impérialistes de domination sans rapport avec les intérêts des peuples en souffrance. Le problème sur place n'est pas celui de la mise en cause de la souveraineté territoriale . La situation en Centrafrique résulte de la politique ancestrale d'un maître sectaire, raciste, impérial et glouton, en l'occurrence la France. Depuis le bouffon Bokassa que la France intronisa et fit empereur, personne d'autre n'a de responsabilité là-bas qu'elle. Elle doit assumer et éviter de crier sur les toits qu'elle appelle à l'aide. Nous n'allons pas recommencer une autre conférence de Berlin pour partager l'Afrique. L'idée de tutelle vient de nos juristes, de non historiens et de non diplomates réels qui pressent le pas vers des notions et des concepts classés depuis belle lurette dans les archives.

 

Et ce leadership du Tchad...


Pourquoi ne parlez-vous pas aussi du leadership du Burkina. Compaoré n'est-il pas ou n'était-il pas en Afrique de l'Ouest ce qu’Idriss Déby est aujourd'hui en Afrique centrale? C'est vrai qu'en dépit des critiques, il faut saluer la forte personnalité de ce dictateur qui en vrai guerrier sait se montrer décisif, déterminant et indispensable dans les situations de crise. Malheureusement tant que son pouvoir n'émane pas de la légitimité populaire résultant de l'expression libre du peuple par la voie des consultations électorales libres et transparentes, il reste et restera une potiche, un phénomène aux mains de puissances extérieures qui ont un intérêt à l'utiliser et à l'user comme bras séculier pour des buts et objectifs loin des préoccupations des Tchadiens.

 

Le monsieur magnifie à la perfection, un genre d'homme d'Etat opportuniste qui sait quand même jouer dans le concert diplomatique et obtenir en retour des gains substantiels pour le renforcement de son pouvoir, la garantie de sa longévité. Il a réussi à éteindre Sassou Nguesso, à faire oublier Paul Biya, et à devenir l'ami d'Obiang Nguema dont on connaît la nouvelle auréole nationaliste et panafricaniste. C'est donc tout à fait logique que l'on évoque voire que l'on constate son leadership. Je comprends que les Camerounais le regardent avec une certaine jalousie, hélas!  Déby est un vrai militaire et un chef de guerre dont le seul égal dorénavant sur le continent est Paul Kagamé du Rwanda. Que l'on les aime ou pas, il faut les respecter. C'st aussi cela la démonstration de l'expertise, c'est à dire l'honnêteté sur le jugement porté sur les gens, leurs moyens, leur politique, leurs alliances, leur capacité d'initiative et leurs actions concrètes.

 

Quel est selon vous l'enjeu majeur?


Ecoutez, dans moins de dix ans, tous les régimes, je dis bien tous les régimes sans exception d'Afrique centrale, auront été balayés, soit pacifiquement, ce que je doute fort, soit par la violence, ce qui est à peu près probable compte tenu de leur caractère de poudrière. C'est déjà maintenant que les pions se mettent en place sur le grand échiquier et c'est la seule explication de la base militaire française à Ngaoundéré. Je vous signale qu'il y en a déjà au Gabon, au Tchad et en Centrafrique. Voilà la clé de lecture incontestable, et voilà l'enjeu majeur.

 

© Le Messager : Alain NJIPOU

 

Lu pour vous : CAMEROUN : SHANDA TONME, APRÈS LA CENTRAFRIQUE, « LA FRANCE A DES PLANS CONTINGENTS POUR LE CAMEROUN »
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